En cette période de soutenances de mémoires et de potentielles inscriptions en doctorat, je propose quelques conseils pratiques, d’ordre général, aux (futur·es) doctorant·es de lettres. Possiblement, ces conseils peuvent s’appliquer à d’autres disciplines, mais je me contenterai de parler du domaine que je connais : la littérature.
            La thèse n’est pas une course, tant s’en faut, mais il est parfois difficile, selon nos situations, de travailler de nombreuses années sur un sujet, que ce soit pour des raisons pécuniaires, familiales, administratives, comme psychologiques. J’ai écrit la mienne en deux ans et demi, comme d’autres docteur·es l’ont fait avant moi et le feront après, même si cela est parfois mal perçu (trop long, ça ne convient pas ; trop court, ça en agace certain·es). Pour autant, je ne referais pas les choses différemment si cela m’était donné.
            Je ne détiens pas le savoir absolu. Aussi, renseignez-vous auprès d’autres personnes, écoutez d’autres voix pour essayer de vous constituer votre répertoire de trucs et astuces afin d’être efficace dans votre travail de recherche et de rédaction.
            Voici une liste de ce que j’ai pu appliquer, de recommandations, et d’éléments que j’aurais aimé connaître en début de thèse pour mieux vivre mon doctorat et préparer la suite, l’après-thèse, qui arrive plus vite qu’on ne le pense :

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1. Fichez, fichez, fichez !

Un livre critique que vous aurez lu en début de thèse et qui n’aura pas été fiché, c’est du temps perdu, à moins d’avoir une mémoire eidétique.

Vous pouvez choisir entre en faire un résumé, relever des citations, ou un peu des deux. Personnellement, mes fiches étaient en général une simple liste de citations (avec l’indication des pages) qui me permettaient de me rappeler le propos de l’ouvrage et qui pouvaient être réutilisées telles quelles. Pensez pratique. Indiquez toujours toutes les références de l’ouvrage sur votre fiche : ça serait bête de devoir faire un aller-retour en bibliothèque pour vérifier la date de l’édition du livre ou la page de telle citation. Exemple :

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1 (bis). Complétez vos notes de bas de page et votre bibliographie au fur et à mesure, par pitié.

Épargnez-vous de devoir effectuer ce travail extrêmement fastidieux sur un manuscrit entier, épuisé·e par des années de doctorat, juste avant de rendre votre thèse.

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2. Photographiez ou scannez les pages des sommaires / tables des matières des livres que vous empruntez et fichez : vous perdrez une minute à le faire, mais vous gagnerez du temps sur le long terme.

Viendra un jour où vous ne vous rappellerez plus si ce super bouquin issu d’actes de colloque comporte un article sur tel sujet ou une contribution de machin. Peut-être que sur le moment vous n’avez pas relevé de citations sur tous les articles et tous les chapitres parce qu’ils ne vous intéressaient pas tous, c’est normal. Mais voilà, deux ans plus tard, vous ne savez plus où vous avez lu cette analyse qui vous revient à l’esprit maintenant et que vous aimeriez mentionner en note. S’il suffit d’avoir à jeter un coup d’œil à un sommaire, vous ne perdez pas de temps. J’ai dans mon ordinateur un dossier « Sommaires » classé par ordre alphabétique d’auteur·es et je n’ai jamais regretté cette pratique qui m’a rendu service de nombreuses fois.
En plus, cela vous permettra d’avoir les pages des différents articles / chapitres lorsque vous devrez les indiquer en note, mais que vous aurez rendu le livre en question.

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3. Fichez aussi, autant que possible, les livres de fiction que vous lisez et qui sont en rapport avec votre sujet de recherche. Résumez-les brièvement.

Là aussi, vous serez content·es de pouvoir vous y référer quand paraîtra un appel à communication sur un sujet qui vous tente et que vous essaierez de trouver des œuvres qui pourraient rentrer dans ce cadre. Éviter d’avoir à relire un bouquin de 500 pages, c’est toujours bon à prendre.
Voilà une pratique que j’ai cessé au bout d’un an et demi et que j’ai beaucoup regrettée, surtout après ma thèse. Aujourd’hui, je l’ai reprise et je m’envoie à moi-même sur WhatsApp des morceaux de résumés des livres que je suis en train de lire (que je compilerai ensuite) pour éviter d’avoir à allumer mon ordinateur à chaque fois que j’avance dans un ouvrage.

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4. J’ai parlé d’appels à communication : essayez d’avoir un œil dessus, de savoir ce qui se passe dans le monde de la recherche autour de vous, idem pour les appels à article.

Essayez d’y contribuer dès que vous en avez la possibilité ; vous y êtes légitimes. Rencontrer d’autres chercheur·ses, c’est toujours un plus ; ajouter une publication au CV que vous êtes en train de vous construire, là aussi, c’est un plus. Venez parler des œuvres sur lesquelles vous travaillez, et d’autres aussi (tant que cela reste dans votre champ de compétences, bien entendu) : de temps en temps, cela fait aussi du bien de mettre le nez dans autre chose.

Ayant réalisé une thèse sur les œuvres de Pierre Bottero, j’étais très heureuse de changer un peu d’horizon et de travailler sur les textes d’autres auteur·es en parallèle, pour des articles ou des communications. Vous trouverez la plupart des appels sur le site Fabula ou sur Calenda.

N’hésitez pas à faire relire vos propositions avant de les envoyer (notamment par vos encadrant·es ou par des chercheur·ses en qui vous avez confiance). Avec Fantasy Art and Studies, nous avions publié sur le réseau social X une liste de conseils pour soumettre une proposition, toujours disponible.

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5. Faites fonctionner le PEB ! Il s’agit d’un service universitaire : le prêt entre bibliothèques.

Selon votre statut : étudiant·e, doctorant·e, enseignant·e, etc., il peut s’agir d’un service gratuit. Ne vous ruinez pas en achats de livres : si votre BU ne dispose pas d’un titre que vous recherchez, faites-le venir d’ailleurs. Parfois, il est aussi possible de demander à recevoir un scan / une photocopie d’un article ou d’un chapitre précis.

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6. Contactez les auteur·es d’articles que vous aimeriez lire et que vous ne trouvez pas.

Vous souhaiteriez lire la contribution de truc à telle revue, mais elle n’est pas en open access / est introuvable / est payante ou tout cela à la fois ? Écrivez aux chercheur·ses ; vous devriez trouver facilement leur adresse mail sur le site de leur université. Une prise de contact vous permettra déjà de vous présenter et de dire sur quoi vous travaillez. De notre côté, il nous est possible d’envoyer des PDF et on le fait volontiers, surtout pour des masterant·es et doctorant·es.

NB : soignez (un peu) vos mails et n’arrosez pas tout le monde académique. J’ai déjà reçu des demandes où la personne ne se présentait même pas : « je travaille sur tel sujet, vous n’auriez pas quelque chose en rapport ? » On n’est pas là pour faire votre travail de recherche à votre place ; en revanche, on est ravi·es de vous aider si vous nous contactez pour un motif précis : « Bonjour, je suis machin, j’ai vu que vous aviez écrit un article sur […], intitulé […], mais il n’est malheureusement pas accessible en ligne ou dans ma bibliothèque universitaire. Vous serait-il possible de me le transmettre ? ». C’est le minimum.

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7. Si vous travaillez sur de gros corpus de thèse, en particulier sur des textes récents : contactez les maisons d’édition pour obtenir des PDF.

Là encore, cela vous permettra d’informer la maison d’édition que vous travaillez sur les titres d’un·e auteur·e qu’elle publie. Elle en sera certainement ravie et aura peut-être un jour un projet à vous proposer, sait-on jamais (cela m’est arrivé). Après tout, vous valorisez leur fonds en leur donnant une légitimité universitaire.
Dans mon cas, les éditions Rageot m’ont transmis presque tous les livres sur lesquels je travaillais en version numérique, ce qui m’a permis de faire des économies de temps et d’argent considérables.

Pourquoi avoir des PDF ? Pour pouvoir faire des Ctrl+F, tout simplement. Vous savez, ce raccourci clavier qui vous permet de chercher un mot ou une expression précise dans un texte. Encore une fois, c’est une question d’efficacité. J’ai gagné beaucoup beaucoup beaucoup de temps grâce à cela.

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8. Communiquez sur vos recherches !

Avec un tout petit peu de recul (thèse +2), je pense que c’est véritablement un point essentiel, en particulier si votre encadrant·e ne se préoccupe pas de vous introduire dans le monde scientifique et ne vous propose jamais aucun projet. Cela arrive et certain·es doctorant·es doivent véritablement tout faire tout·e seul·e.

En communiquant, l’objectif n’est pas de dévoiler tout le contenu de votre thèse, attention, mais que l’on sache sur quoi vous travaillez, que l’on vous repère comme acteur·rice de cette recherche. Communiquez en colloque, bien sûr, mais aussi en dehors : cela peut être par le biais d’un carnet de recherche Hypothèses, comme je le fais actuellement (voici les renseignements pour la création d’un carnet), d’une chaîne Twitch, d’un blog, de réseaux sociaux… Apprendre à vulgariser, c’est aussi une compétence très importante, que l’on peut ensuite valoriser.

Rendez-vous visible sur des sites dédiés, comme Researchgate ou Academia.edu. Choisissez un support avec lequel vous êtes à l’aise et lancez-vous ! Je sais combien le temps est précieux en doctorat et je n’ai moi-même commencé à parler de mes recherches qu’en toute fin de thèse, mais ne restez pas dans l’ombre. Pour ne pas être ignoré·e (c’est ô combien dur de l’être, surtout quand on est passionné·e par son sujet), soyez identifiable. La recherche est un petit monde qui fonctionne en vase clos et, malheureusement, souvent par népotisme : ce sont toujours les mêmes noms qui circulent, même si je le déplore. Essayez de mettre en œuvre des actions pour que le vôtre circule également car tout le monde ne se donnera pas la peine d’aller chercher sur Theses.fr qui travaille sur quoi, d’autant plus s’il y a déjà un copain ou une copine sur un sujet similaire au vôtre.

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9. Rejoignez des groupes !

Groupes de doctorant·es, collectifs divers, groupes de recherche sur tel sujet, comités de revues, associations dédiées à un·e auteur·e, une période, un genre littéraire, une thématique… peu importe, entourez-vous, que ce soit en ligne ou « en vrai », comme vous le souhaitez. Libre à vous de voir ensuite à quel point vous pouvez et voulez vous y investir, mais vous glanerez des informations, peut-être de la visibilité, et de bons points pour votre CV (le travail d’équipe, le collectif, ça se valorise)… et surtout vous ne serez pas complètement isolé·e dans votre recherche. Si vous avez des questions, des difficultés, des projets que vous aimeriez mener, vous trouverez des interlocuteur·rices, en dehors de votre directeur ou directrice de thèse. Élargissez vos cercles ; c’est aussi une question de survie.

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10. Modules de doctorat et formations diverses et variées : essayez de vous en occuper en début de thèse.

A priori, pour valider votre doctorat, vous devez assister à un certain nombre de modules qui ne sont pas toujours des plus intéressants. Je vous conseille, dans la mesure du possible, de vous acquitter de ces formalités au moment où vous aurez le plus d’énergie : généralement en première ou deuxième année. Vous serez soulagé·es de ne plus avoir à y penser par la suite et de ne pas avoir à courir après des crédits à valider au moment où vous vous apprêtez à rendre votre manuscrit.

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11. La clef, c’est l’organisation ! (et vos conditions de recherche, certes…)

Sans que cela devienne une obsession, essayez de vous en tenir à votre calendrier : X mois pour lire et faire des recherches bibliographiques, X mois pour écrire la première partie, etc. Pour ma part, j’avais imprimé un plan extrêmement détaillé de la partie de thèse sur laquelle je travaillais afin de pouvoir rayer, chaque jour, une ligne de cette immense liste. Cela m’a permis de voir mon avancement de façon concrète et de ne pas avoir – trop – l’impression d’être devant une montagne dont je ne verrais pas le sommet.

Niveau organisation, je vous conseille aussi de ne pas attendre la fin de rédaction pour corriger vos parties et traiter les suggestions de votre directeur ou directrice. La thèse, c’est une histoire de « petit à petit ».

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12. Prenez soin de votre santé mentale.

Facile à dire après avoir proposé tous ces conseils qui, convenons-en, exigent du temps et de la rigueur pour être appliqués. Il ne s’agit, toutefois, que de conseils. Vous n’êtes pas tenu·e de les appliquer, la Terre ne s’effondrera pas si vous ne prenez pas vos sommaires en photo. Chacun sa méthode : je vous en montre seulement une parmi d’autres, qui ne correspondra pas à tout le monde. En toute transparence, j’ai par ailleurs été en burn-out un mois avant de soutenir ma thèse pour ne pas avoir pris le repos qui m’était dû. Je ne remets pas ma méthode en question, sinon je n’écrirais pas ce billet, mais l’emploi du temps auquel je me suis astreinte et un manque d’écoute de mon corps.

L’essentiel n’est pas de terminer à tout prix sa thèse, mais, toujours, de se préserver. Soi d’abord, la thèse ensuite. Les abandons sont nombreux, cela se comprend très bien et, parfois, c’est la meilleure solution. Ne tirez pas trop sur la corde, prenez des jours de repos, arrêtez d’écrire quand cela vous coûte trop, demandez de l’aide pour ne pas, vous aussi, faire un burn-out, et surtout, déculpabilisez. Je sais combien il est difficile de se rappeler que d’autres choses existent en dehors de l’université quand on est plongé·e dans sa bulle de thèse, mais elles sont bien là. Le monde continue de tourner, tout n’est pas ESR.

Pour information : le dispositif Santé Psy Étudiant donne droit à 8 consultations gratuites avec un·e psychologue, sans avance de frais. Cependant, tous les psychologues n’en sont pas partenaires. Plus de renseignements ici.

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On pourrait ajouter de nombreux conseils et informations sur la rédaction à proprement parler, sur le rôle des représentant·es des doctorant·es, celui des laboratoires dans leur accueil ou sur les contrats doctoraux…  Je ne m’y lancerai pas dans ce billet, déjà conséquent. Je vous laisse vous rapprocher de vos propres référent·es et écoles doctorales pour ces questions.

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Il ne me reste plus, alors, qu’à vous souhaiter bon courage et bonne route !

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Ressources utiles :

 

Articles, ouvrages et autres documents scientifiques pouvant être en open access : HAL, OpenEdition, Cairn… Parfois, les bibliothèques universitaires sont abonnées à des bouquets qui peuvent vous permettre d’avoir accès à des ouvrages ou revues qui auraient été payantes autrement. Renseignez-vous.

Annonces de colloques, de parutions, d’appels à article et communication : Fabula, Calenda, sites propres aux laboratoires…

Les bourses, contrats et allocations (peu communs en lettres, en dehors des contrats doctoraux) : le dispositif Cifre, appels d’offres CNRS – INSHS, contrats doctoraux / post-doc répertoriés sur Campus France, Adum, Fabula, Euraxess (international), contrats doctoraux handicap…
Pour les contrats doctoraux : s’ils sont souvent relayés sur Fabula ou Campus France, voir les sites propres à chaque école doctorale pour plus d’informations.

Les annuaires :

• Expertes.fr : annuaire des femmes expertes dans le domaine francophone. Vous pouvez vous y inscrire si vous êtes concernée.
• Adum : annuaire de doctorant·es et de docteur·es, outil de gestion et de communication (voir les services du réseau). Vous pouvez demander à vous y inscrire même si votre école doctorale n’utilise pas ces services (demande spéciale).

Cellule d’accueil et d’écoute pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles : une cellule est présente dans chaque université. Elle est censée prendre en charge tout type de discrimination, voir sur le site internet des universités. N’hésitez pas à vous rapprocher des élu·es et syndicats en cas de besoin.

Confédération des jeunes chercheurs (CJC) :  pour représenter et défendre les intérêts des jeunes chercheur·ses. Elle a notamment publié un guide d’utilité publique : le guide des droits de l’enseignant·e vacataire.

Academia : informations sur l’évaluation, l’emploi et le recrutement des jeunes enseignant·es-chercheur·ses en sciences humaines et sociales.

Jeunes Chercheurs Associés (JCA) : propositions de missions rémunérées pour les jeunes chercheur·ses (doctorant·es et docteur·es).

Association Nationale des Docteurs : association pour la promotion du doctorat.

Campus France : agence française pour la promotion de l’enseignement supérieur, l’accueil et la mobilité internationale (annuaire des écoles doctorales, offres de thèses, FAQ…)

Les Aspects concrets de la thèse : carnet Hypothèses conçu comme un lieu d’échanges, d’information et de documentation sur l’ESR et la thèse en sciences sociales.

Les syndicats pour les doctorant·es (entre autres) :

• SNESUP-FSU : syndicat national de l’enseignement supérieur.
• CGT FERC Sup : union nationale des syndicats CGT des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

 

N’hésitez pas à me signaler d’autres sites qui pourraient être utiles aux doctorant·es de lettres afin que je les ajoute à cette liste.

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